Armoiries de famille de Sir Nicholas Throckmorton |
Découverte
des armoiries de famille de
Sir Nicholas Throckmorton
Monument St
Katharine Cree à Londres
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L'Héraldique
fait partie de mes intérêts personnel, même si je dois dire que je ne suis pas
vraiment un expert. Pourtant, je sais me défendre concernant certains aspects
de l'héraldique, et je suis toujours content d'en apprendre davantage sur les
thèmes et aspects des armoiries héraldiques. L'héraldique est une forme d'art
en soi, elle est très complexe. Certains experts héraldiques me surprennent
parfois grâce aux vastes connaissances qu'ils possèdent sur le sujet.
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Antica
Namur 2016
A la fin de
l'automne 2016, je suis parti direction l'Antica de Namur, l'exposition d'art
et antiquités qui se déroule en bordure de ville, c'est une de mes habitudes
annuelles. Même s'il ne s'agit pas vraiment d'un “événement majeur”, depuis
quelques années, ce salon offre une qualité croissante en plus d'offrir un prix
abordable, c’est un très joli salon en plus de présenter un public de plus en
plus nombreux.
Sur le
stand d'un marchand d'art flamand, qui est aussi un exposant à la BRAFA de
Bruxelles, un magnifique relief d'albâtre a immédiatement attiré mon attention.
Il se tenait entre des peintures exposées sur un piédestal noir, et à côté de
ce haut-relief d'environ 80cm se trouvait une plaque portant un texte
explicatif apposé par l'exposant, "un relief d'albâtre germano-autrichien
datant du milieu du 16ème siècle" était inscrit sur la plaquette en
question. Je lui demandais si je pouvais prendre quelques photos de cette pièce
fascinante, aucun problème, l'autorisation était donnée. Mon intuition me dit
que c'était un relief d'albâtre d'une origine différente, et j'ai fait la
remarque au marchand d'art que le relief était peut être d'origine anglaise, et
non allemand.
Cette
observation a été confirmée par mes activités et recherches quotidiennes comme
sculpteur héraldique, mais aussi grâce aux nombreux abonnements de magazines
d'héraldiques européens que je possède, il est donc plus facile de se faire une
idée de certaines armoiries.
Ces
magazines permettent de mieux comprendre la complexité et les détails
spécifiques de cette forme unique d'art. Alors que le relief soit d'origine
anglaise, j'en suis absolument certain.
Une fois à
la maison, j'ai envoyé l'image du relief d'albâtre à un ami britannique Richard Lichten qui,
comme moi, trouvent que les connaissances de l'héraldique et leur histoire est
un passe-temps aussi intéressant que passionnant.
Il m'a répondu peu de temps
après, et m'a dit que ces armoiries d'albâtre appartient premièrement aux
armoiries de la famille anglaise Throckmorton. Mais l'appartenance exacte des
armoiries devait encore être étudiée. Car en effet, il existe toute une série
de membres célèbres et moins connus du clan Throckmorton.
Blason Throckmorton |
Les
armoiries Throckmorton
Mais au vu
du caractère général des armoiries, de ses ornements et de ses compositions,
elles remontent effectivement au 16ème siècle, exactement comme le marchand
d'art me l'avait dit.
Je pouvais donc me concentrer davantage sur la famille
Throckmorton de cette époque là. Les armoiries devaient appartenir à une
personne importante de cette famille, on le reconnaît notamment grâce à la
qualité et à l'étendue du relief. Donc il fallait trouver famille notable de
cette époque.
Francis
Throckmorton (1554–1584)
Nicholas
Throckmorton (1515–1571)
John
Throckmorton (1524–1580)
Les
armoiries de Nicholas Throckmorton
Cela n'a
pas été facile et a demandé un vrai travail de détective pour retrouver le
propriétaire initial de ces armoiries de famille. Car il y a une merlette
(oiseau) présente sur le bouclier, cela signifie que selon l'héraldique
anglaise, les armoiries d'albâtre appartiennent au 4ème fils de la lignée, ce
qui a rendu la recherche bien plus simple.
C'était
sans aucun doute les armoiries de Nicholas Throckmorton. J'ai été un peu choqué
lorsque j'effectuais les travaux de recherche sur cette famille et l'identité
de Sir Nicholas Throckmorton, et sa vie du 16ème siècle de l'histoire anglaise.
Car cette famille a joué un rôle important en Angleterre au 16ème siècle.
Sir
Nicholas Throckmorton (ou Throgmorton) (vers 1515/1516 - 12 février, 1571)
était un diplomate et homme politique anglais, il était ambassadeur en France
et a joué un rôle important dans la relation entre Elizabeth I et Mary Ire
d'Ecosse (Mary, Queen of Scots).
Armoiries taillées en albâtre |
Nicholas
Throckmorton était le quatrième des huit enfants de Sir George Throckmorton de
Coughton Court. Après qu'Elizabeth I soit montée sur le trône en Novembre 1558,
Nicholas Throckmorton a rapidement gagné les faveurs de la reine, notamment
grâce à sa relation personnelle déjà existante avec elle.
Il a envoyé son
propre avis sur la formation du gouvernement d'Elizabeth I, dont certaines
conséquences étaient que de mai 1559 à avril 1564, il était ambassadeur
d'Angleterre en France.
Son nom de
famille est mentionné dans plusieurs complots.
En 1569, Throckmorton était
soupçonné d'être impliqué dans la conspiration du duc de Norfolk, et il s'est
ainsi retrouvé prisonnier du château de Windsor, aucun procès n'a été monté
contre lui, il a néanmoins perdu la confiance de la reine Elizabeth I qu'il n'a
jamais pu regagner par la suite.
Il est mort en 1571.
Une
histoire turbulente.
Une merlette (oiseau) présente sur le bouclier |
La figure ci-dessous montre à droite les armoiries de Sir Nicholas Throckmorton et à gauche de son frère, deux armoiries identiques pourrait-on penser, mais il y a tout de même des différences, les armoiries de gauche sont facilement reconnaissable grâce à la ligne principale, qui porte un croissant de lune, signifiant le second fils et son frère aîné. (Voir la flèche blanche sur le bouclier).
Coughton
Court
Coughton
Court est la maison de famille des Throckmorton depuis 1409. Le domaine
comprend environ 10 hectares des jardins les plus spectaculaires d'Angleterre.
Cette belle ferme a connu de nombreux propriétaires avant 1409, et à un certain
moment, elle est entrée en possession de la famille Spiney.
Le nom Throckmorton
a d'abord été associé à Coughton Court en 1409, quand Eleanor Spiney a épousé
John Throckmorton. Le titre Baronnet attaché à la maison Throckmorton en 1994 a
disparu avec la mort du douzième Baronnet, mais la famille réside toujours à
Coughton Court, désormais dirigée par le National Trust.
C'était
l'intention de Clare McLaren - Throckmorton de créer un jardin dont l'envergure
va main dans la main avec la maison, ses jardins sont toujours détenus et
exploités par la famille Throckmorton. En 2009, la résidence permanente de la
famille Throckmorton célébrait un 600ème anniversaire.
Après un
certain nombre d'e-mails envoyés à Rebecca Farr et John Sterry, qui font partis
de la gestion de Coughton Court, j'en suis venu à en connaître d'avantage sur
les armoiries d'albâtre que j'avais vu à Namur, je vous épargne l'histoire
intégrale de la famille, elle est bien trop complexe pour un article de blog,
mais les armoiries d'albâtre du premier quart du blason appartiennent à la
famille Throckmorton et le quatrième quart appartient à la famille Spiney.
Le monument
Lors de mes
recherches sur Internet, j'ai découvert que Sir Nicholas Throckmorton est mort
le 12 février 1571 et est enterré dans l'église paroissiale St Katharine Cree à
Londres, mais où exactement ? On ne le sait pas.
Un monument a été érigé dans
l'église à sa mémoire, j'ai trouvé quelques images sur Internet du monument en
question. Je ne suis pas sûr, mais il semblait que le monument soit également
en albâtre et a été réalisé avec une grande qualité d'exécution.
Le monument Sir Nicholas Throckmorton dans St Katharine Cree à Londres |
Vue détaillée et comparaison du monument N. Throckmorton, Londres |
Suite à une
recherche un peu plus ciblée sur les détails, j'ai trouvé quelques points de
repère remarquables, il semblait que le relief que j'ai vu à Namur et le
monument à Londres présentaient les mêmes qualitées dans l'ornementation, la
composition et le style, “On pourrait jurer”, pensais-je alors, “que le relief
sort tout droit du même atelier ou bien a été taillé par le même
créateur." Les découvertes se suivent rapidement.
Gravure
Un livre de
gravures datant de la fin du 18ème siècle (Antique Prints of London) que j'ai
trouvé sur Internet m'a permis de démasquer l'identité du relief, je ne pouvais
pas en croire mes yeux. Sur cette gravure de cuivre datant de 1793 on distingue
clairement le relief d'albâtre, mais deux petites armoiries sont également
visibles.
A qui appartiennent-elles ?, je ne le sais pas encore, j'ai
immédiatement interrogé l'équipe de gestion de Coughton Court, mais
malheureusement, ils ne pouvaient pas m'aider. L'image n'était pas de très
bonne qualité, mais il est certain que les petites armoiries en bas à droite
appartenait à une femme, reconnaissable grâce à sa forme en diamant.
C'était
malgré tout une découverte fantastique. Je venais de découvrir une pièce
historique importante, cela me semblait être un bon investissement sur le
moment.
Gravure du monument Sir Nicholas Throckmorton |
De retour à
Namur
Avec toutes
ces informations recueillies, je pars pour Namur quelques jours plus tard, je
suis sûr que le relief se trouvait sur le monument de Sir Nicholas
Throckmorton, je suis même parti avec l'intention d'acheter ce relief pour un
usage personnel.
Un relief historique du 16ème siècle semblait être un meilleur
investissement que laisser l'argent dans la banque. Est-ce qu'il était volé ?
Je n'ai pas trouvé quoi que ce soit sur Internet à propos d'un relief volé du
monument de Sir Nicholas Throckmorton.
En arrivant dans les halls d'exposition
à Namur, je voyais déjà vu sur le stand de l'antiquaire que la plaquette
explicative de l'œuvre d'art avait disparu, et une nouvelle plaquette affichait
désormais "relief d'armoiries anglaises". Une production anversoise,
un produit d'exportation.
Le marchand me reconnaissait encore, j'étais curieux
de connaître le prix de vente du relief, mais celui-ci était malheureusement
bien au-delà de mon budget.
Christie's
Londres
C'est pour
en savoir plus sur la valeur de ce relief, que je suis entré en contact avec
Donald Johnston, il est le directeur principal et chef européen du département
de Sculpture et Objets d'Art de Christie's Londres.
Je lui ai envoyé un dossier
de toutes mes expériences, et peu de temps après, j'ai reçu une réponse, il
était très impressionné par mon travail de recherche, et il était d'accord
qu'il s'agissait d'une pièce manquante du monument.
J'ai également reçu une
évaluation pour une éventuelle vente aux enchères chez Christie's, le relief
aurait effectivement pu être un excellent investissement.
Volé ?
Malgré
tout, il me restait encore un certain nombre de questions, comment ce relief
a-t-il était séparé du monument ?, comment a-t-il terminé en Belgique ?, qui
était le précédent propriétaire ? Est-ce un objet volé ou est-ce un prêtre de
l'église St Katharine Cree à Londres qui, par manque d'argent, aurait vendu
certains articles de l'église, pour une raison que nous ne savons pas ou, ... ?
Mais ce qui est certain, c'est que le relief n'a jamais quitté l'église de
manière légale, le monument possède une trop grande valeur historique.
St Katharine Cree à Londres |
St
Katharine Cree à Londres
Fin
novembre 2016, j'ai contacté l’église de St Katharine Cree à Londres, mon
contact était Phil Manning, superviseur de l'église. Dans un email, je lui ai
avancé un certain nombre de conclusions sur le monument dans son état actuel et
la gravure de 1793. Toutes les autres actions d'information que j'avais
rassemblé me semblait être superflues. Sa réponse a été particulièrement
étendue. La voici ci-dessous.
Les blasons
sculptés des armoiries présentes sur le sommet du monument de Sir Nicholas
Throckmorton dans la gravure que vous m'avez envoyé (et dont une copie est
accrochée au mur de l'église) ne sont plus présents, et ne l'ont jamais été
pendant les 10 ans que j'ai pu travailler pour St Katharine Cree.
En outre,
il existe des preuves que en 1929, le monument était contre le mur sud de la
nef sud, alors qu'il est maintenant contre le mur est de l'allée est. On pense
qu'à la fin des années 1950, ou début des années 1960, il a été déplacé à son
emplacement actuel, depuis des bureaux ont été installés dans les allées
latérales. Des notes de 1929 mentionnent le fait que le monument possédait
"un relief central et deux blasons". Le monument a perdu ces objets
après 1929, et je pense qu'il y a une explication plausible : peut être que ces
pertes sont liées à un bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale,
lorsqu'un vitrail a été endommagé dans l'allée du sud. Cette fenêtre
était située à proximité de l'emplacement du monument.
Le monument est constitué d'une pierre peinte en brun-rouge
veiné, apparemment en albâtre. Je
ne sais pas qui l'a réalisé, mais au vu du savoir-faire de haute qualité, il
est possible que le monument provienne d'un atelier de Southwark (peut-être que
la famille Throckmorton possède des données à ce sujet). De nombreux réfugiés
du sud des Pays-Bas sont installés dans le Bankside de Londres à la fin du
16ème siècle, donnant lieu à une tradition de tailleurs de pierre - j'aimerais
beaucoup en savoir plus !
J'espère
que l'explication ci-dessus vous est utile. Si vous avez la réponse à une ou
plusieurs des questions posés, n'hésitez pas à m'en faire part, ce serait
apprécié. Fin du courrier de Phil Manning.
Photos du monument de Nicholas Throckmorton (1929) |
Photo comparative du relief (1929) |
Mes
conclusions
Après avoir
reçu cet e-mail, il est temps d'apporter mes conclusions à Phil Manning, et peu
de temps après que je suis au téléphone avec lui. Il a été particulièrement
sympathique, et m'a félicité du résultats de mes travaux de recherche et a
demandé s'il pouvait savoir qui était le marchand d'art. Je voulais ne pas vous
lui dire car j'avais à ce moment-là l'intention d'acheter le relief. Mais quand
il m'a dit que le relief n'a jamais pu quitter l'église légalement, et qu'il
s'agissait assurément d'art pillé, mon intérêt pour l'achat du relief a
disparu. Il m'a demandé s'il pouvait transmettre mes données et travaux de
recherche à Chris Marinello, un expert britannique des arts volés. Phil Manning
m'a aussi envoyé une photo de 1929 où clairement la crête de famille de
Throckmorton est visible. Pour moi, il était évident que ce relief historique
doit être retourné à son lieu d'origine.
Cependant,
il y avait un autre problème, le relief n'a jamais été officiellement déclaré
comme étant volé. Peut-être parce que l'église en charge a probablement pensé
que le relief a été détruit par les bombardements en 1941 (Blitz) et s'est
retrouvé avec le reste des débris. Peut-être qu'il est ensuite tombé dans les
mauvaises mains. Ceci sont de simples conclusions; la preuve n'existe pas, mais
il est certain que le relief n'aurait jamais dû quitter l'église.
Bruxelles
Plusieurs solutions s’offraient à moi pour remédier à la situation,
il y avait “à la dure”, avec des avocats, des procès, etc .. avec beaucoup de
négativité, mais un marchand d'art respectable ne suivra jamais cette voie si
des preuves sont fournies.
Une
autre façon était d'envoyer toutes les informations à la presse sans l'accord
du marchand, et cela aurait certainement était une façon terrible de remédier à
la situation, parce qu'il savait absolument pas ce qu'il avait en sa possession
à l'époque.
Finalement, le plus respectable pour les deux partis était de confronter
le marchand d'art de Bruxelles avec les preuves que j'avais découvert, et j'ai
été en mesure de le convaincre de cette manière pour arriver à une solution
amiable. Il m'a promis par téléphone de transférer le relief à l'église.
La journée
où j'ai rassemblé le marchand d'art et l'avocat.
Le 8
décembre 2016 a été une journée très stressante, car ce jour-là, j'ai apporté
le résultat complet de mes recherches au marchand d'art belge. Il ne savait
encore rien à propos des détails concernant le monument. Comme il s'agissait
d'une quantité importante d'informations à digérer, je lui ai laissé deux
heures pour étudier le dossier. Plus tard ce jour-là, j'ai contacté un avocat à
Londres spécialisé en arts volés et perdus, et lui ai présenté de quel marchand
d'art belge il s'agissait.
Mais avant
même que ces deux messieurs ne puissent discuter de cette affaire, j'ai d'abord
contacté la BELGA Newsagency de Bruxelles en les informant de mes recherches et
conclusions, et la BELGA a vérifié ces données avec le marchand (qui était
entre temps entré en contact avec l'avocat) et avec Marc Van de Cruys,
spécialiste flamand en héraldique et éditeur du Heraldicum Disputationes. Par
respect, seule la BELGA a obtenu les données de contact du marchand d'art, et
cela seulement pour que mon dossier puisse être vérifié.
Tout un tas
de journalistes belges ont ce jour-là contacté l'avocat par téléphone, bien
sûr, pour vérifier la légitimité de mes conclusions. L'avocat de Londres a bien
insisté sur le fait de ne pas écrire d'articles à propos du relief pour
l'instant : l'affaire est toujours en suspens, la grande fête aura lieu à
Londres, etc ... Mais heureusement, tous les journalistes ne se laissaient pas
intimider.
Dans les
semaines avant l'annonce, je suis aussi allé à la rencontre d'un certain nombre
de spécialistes, mais aussi de marchands d'art de la TEFAF (TEFAF, The
Maastricht Art Fair) pour leur présenter mes travaux de recherche et
conclusions, ma question était de savoir quelles démarches suivre à présent.
On m'a
conseillé de dévoiler mes conclusions dès que possible afin que cette
information ne puisse être utilisé par les autres pour leur propre bénéfice. Une
personne m'a dit: "Le monde de l'art est comme un panier plein de
crabes."
Traduction Geraldine Poppe
https://www.patrickdamiaens.fr |
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